MAURICIO KAGEL

Compositeur argentin (1931-2008)

« L'humour est la chose la plus sérieuse que je connaisse. Il y a peu d'auteurs aussi immensément tragique et aussi profondément métaphysique que Charlie Chaplin, mais on rit tout le temps et on est très touché. Dans le domaine de la musique sérieuse, on a un énorme problème avec le rire, parce que ça n'est tellement pas sérieux. Vous savez, le sérieux est tellement plus commode. Faire rire, c'est plus difficile que de faire pleurer. »

M. Kagel

Au fil d’une invention qui toujours désarçonne, on s’est longtemps demandé si Mauricio Kagel n’était pas le Buster Keaton de la musique contemporaine ou alors son Pirandello, un simple bricoleur ou un horloger de génie, un provocateur négatif ou un compositeur de bonne race ?


Kagel naît à Buenos Aires, la veille de Noël 1931. Il étudie comme il peut le chant, trois instruments, la théorie, mais échoue à l’entrée au Conservatoire. Il se venge sur la philosophie, la littérature anglaise avec Borges, le cinéma. À dix-huit ans il est conseiller artistique de l’Agrupacion Nueva Musica, à dix-neuf co-fondateur de la Cinémathèque Argentine, à vingt-quatre, directeur des réalisations culturelles à l’Université et des études à l’Opéra de Chambre, en même temps que chef d’orchestre au Teatro Colon. C’est alors qu’il décide de quitter son pays où personne ne le joue et qu'il gagne Cologne, où il travaillera jusqu'à sa mort en septembre 2008.

C'est que l'art de Kagel a les vertus toniques d'une cure de santé. On n'y trouve que distance salutaire, détournement, retournement, second degré, pastiche ou caricature avouée. On y est sans cesse à la frontière du cirque, de la prestidigitation, du théâtre de l'absurde, de la démonstration de gadgets et de la musique de chambre, avec toujours une naïveté dure et un humour cruel à donner froid dans le dos.

Car, au lieu d'agir exclusivement et directement sur la substance de la musique, sa logique, ses formes, voire sur le son lui-même, Kagel s'attaque à l'acte instrumental ou vocal, au geste musical de routine, à la division du travail, à l'idée reçue ou imposée à la sagesse des nations, à la notion d'héritage ou de progrès, à la déification de la machine, à toutes les oppressions et, surtout, aux petitesses et aux immenses prétentions du monde actuel. Chez lui, la musique est d'abord l'instrument de cette critique avant d'en devenir l'objet, et ce n'est qu'à force de changer de sens qu'elle change réellement de substance.

Sa musique révèle du théâtre, au point que la partition déjà s'adresse autant à l'œil qu'à l'oreille.

D'après Maurice Fleuret.

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